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29 décembre 2018

Des loups et des licornes ! 

Austérité hivernale…

 

Poigny-la forêt. Un cadre magnifique cerné par les bois. Des arbres partout, qu’on parte vers le nord, le sud, l’ouest ou l’est. Le départ idéal pour une sortie sylvestre à l’approche du 31 décembre. On ne pouvait pas trouver mieux. Le ciel est plombé. Bas, juste au-dessus de nos têtes. Curieux qu’aucun de nous n’ait pensé à lever le bras pour voir si les nuages se trouvaient à portée de main. Pas un souffle d’air et une humidité évidente. Le groupe se met en route, bien couvert pour garder le froid à distance. Sac sur le dos avec, dedans, de quoi nous donner un coup de fouet lorsque l’heure sera venue.

 

Et au loin, la rumeur des tronçonneuses à l’œuvre. Nous rappelant que le massif forestier n’a pas vocation à donner de l’air à l’Ile-de-France qui en a pourtant besoin. Ni à permettre à ses habitants d’arpenter ses kilomètres de chemins bucoliques. Rambouillet est bel et bien une forêt de production. Destinée à faire pousser les arbres le plus vite possible, les couper, les expédier aux quatre coins du monde et remplir le tiroir caisse. Le promeneur est évidemment le bien venu, mais il n’est que la cerise sur le gâteau.

 

La rumeur des tronçonneuses, donc… Qu’on tente d’oublier sans trop y parvenir. Pour nous concentrer sur les habitants de cette immense réserve d’allumettes. Les oiseaux d’abord : dès nos premiers pas, ils nous entourent, piaillent à gauche, chantent à droite. Traversent le chemin d’un coup d’ailes. La mélopée du Rougegorge familier. La strophe flûtée de la Grive draine. Les babilles des mésanges qui se nourrissent sur les fruits des bouleaux, picorant la tête en bas les graines dont elles sont friandes.

 

La rumeur des tronçonneuses – leitmotiv de ces quelques lignes – a un autre effet que celui de nuire à la sérénité du lieu. Nous le découvrons dès que quittons le bitume. Car l’arbre, une fois tranché à sa base, doit être débardé. Retiré du sous-bois où il a grandit. Acheminé jusqu’à un carrefour et entassé avec tant d’autres. Puis chargé sur un camion qui l’emporte vers sa destination finale – la Chine le plus souvent. Tout ceci nécessite un matériel très lourd. Doté de chenilles et de pneus plus larges que le chemin. Creusant des ornières comme des abîmes. Remontant l’argile à la surface. Maculant de boue brunâtre le beau petit sentier que nous aurions aimé trouvé à la place de cette saignée béante.

 

Mais tout à une fin. Même le barouf des récolteurs de bois. Le calme revient rapidement. Et la forêt retrouve sa quiétude habituelle. Pas un promeneur en ce samedi d’hiver. Notre groupe est seul au monde et enchanté de ce statut devenu un véritable luxe si près de l’agglomération parisienne. Chacun goûte ces minutes de silence. Cette paix retrouvée après le tumulte de la vie moderne.

 

Mais nous n’oublions pas non plus que nous sommes venus pour découvrir cette nature à la fois si proche et si lointaine. Qu’il suffit simplement d’écouter et de regarder pour l’entendre, la voir. Les traces d’une petite harde de biches ici : des empreintes bien nettes laissées dans la terre meuble du chemin (oui, celui que les engins ont défoncés ; car toute chose a son revers : impossible de manquer le moindre passage d’animaux sur un sol marquant aussi bien que s’il était fait de pâte à modeler). Cerfs, biches et chevreuils. Et là un groupe de sangliers venus fouir la terre de leur groin à la recherche d’un ver, d’une racine à se mettre sous la dent.

 

Malgré une attention particulière aux traces saupoudrant le chemin – il parait que loups et licornes fréquentent le secteur et il nous plairait de les découvrir –, le groupe s’intéresse également aux végétaux. Distinguer le Chêne pédonculé du chêne sessile (« ma fille », comme le chantait Claude). Ne plus confondre la Bruyère cendrée de la Callune commune. Fredonnant Nougaro, les yeux rivés au sol à guetter les traces de paillettes – trahissant les licornes –, nous parvenons au bord d’un beau petit étang. Notre étape pique-nique : il était temps ! Car même si nous n’en avons pas croisé, une faim de loup tiraille les estomacs. Sandwichs et salades sortent des sacs. Les thermos de soupes et d’eau chaude réchauffent les mains d’abord, les corps ensuite. Même si la température est relativement douce, cette chaleur ragaillardit.

 

Sur les traces du loup…

 

L’après-midi est consacrée à la seconde partie de la boucle. Et l’allure du groupe bénéficie du regain d’énergie et des calories absorbées. Un œil au sol à chercher les empreintes. Un œil sur le sous-bois à détailler les ombres. Et les oreilles grandes ouvertes. Des pics hantent les parages. Le Pic épeiche et son cri clair, presque métallique. Le Pic mar et sa calotte entièrement rouge. Et le Pic vert si caractéristique. Les Geais des chênes criaillent dans les grands arbres éponymes. A la recherche des glands dont ils se nourrissent. Et qu’importe si ceux-ci sont ou non pédonculés. Tout fait ventre. Ces parcelles constituent pour eux une véritable corne d’abondance. Comme les écureuils, les Geais des chênes vont constituer des caches dans lesquelles ils vont stocker de la nourriture en prévision de jours maigres. Caches qu’ils ne retrouveront pas toujours, oubliant parfois jusqu’à leur existence. Par ce comportement prévoyant, ces oiseaux participent directement à la dissémination des chênes et à leur régénération.

 

Toujours beaucoup d’empreintes sur le sol. Bon nombre d’animaux fréquentent en effet cette portion de forêt et laissent une marque de leur passage à chaque traversée de sentier. Beaucoup de cervidés. De petites traces correspondant à des chevreuils. Et de plus grandes trahissant la présence de Cerfs élaphes. Des canidés en maraude impriment eux aussi leurs coussinets dans la boue. Qu’ils soient errants ou accompagnés de leur maître. Mais de loup, point ! Pas plus que de licorne.

 

Et pourtant, la toponymie nous rappelle que le grand prédateur a sillonné la région dans un passé peut-être pas si lointain. Le groupe parvient en effet à un vaste carrefour. Vallonné. Agrémenté de quelques rochers de grès – sans commune mesure avec ce qui existe à Fontainebleau toutefois. Une petite cahute se dresse à la rencontre des deux chemins forestiers. Quatre murs, un toit et un foyer noirci de suie. Un petit tas de bois sec laisse supposer une utilisation régulière quoique très certainement règlementée.

 

Le carrefour de la Roche aux loups – tel est son nom – nous retient quelques instants. Des rondes de mésanges tournent autour de nous. Une Grive draine chante à pleins poumons. Une petite bande de Tarins des aulnes passent au vol, discrètement, révélée néanmoins par leurs petits cris abondants.

 

Les jambes deviennent lourdes. Certains, moins habitués à la marche, s’informent de la distance restant encore à parcourir. La fin approche. La fin de la balade ! Pourtant, nous choisissons à l’unanimité de quitter le chemin pour traverser une parcelle de part en part. Une magnifique parcelle jaunie de molinies vers laquelle de nombreuses empreintes d’animaux convergent. Quelques couches sont rapidement découvertes. Des zones que l’animal a grattées pour s’étendre. La forme de son corps est encore visible, écrasant la végétation. Une harde de cerfs et biches a élu domicile dans les parages. Les conversations cessent. Tous attentifs au moindre bruit, au moindre mouvement, nous avançons prudemment, aux aguets. En veillant à ne pas nous emmêler les pieds dans les hautes herbes. A éviter les rondins vermoulus et très glissants dissimulés sous la végétation. Communiquant par gestes, la progression est lente. Quand un cerf se lève à quelques dizaines de mètres sur notre gauche. L’animal, nullement paniqué, s’éloigne entre les grands chênes, nous observant avec la même attention que nous l’observons lui. Rencontre entre deux mondes à travers un bouquet de jeunes pins qui nous masquent mutuellement. L’observation, brève, nous comble et achève en fanfare une sortie empreinte de l’austérité hivernale.

 

La dernière sortie de l’année à ravi tout un chacun. Par la beauté du lieu. Par sa tranquillité que nous avons quelque peu troublée. Par ces belles observations faites tout au long de notre cheminement. Le groupe se sépare après avoir évoqué les moments forts du périple. Et se donne rendez-vous en 2019 pour de nouvelles sorties.

 

Bonnes fêtes de fin d’années à toutes et tous.

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

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Grand Cormoran, Héron cendré, Bernache du Canada, Canard colvert, Buse variable, Faisan de Colchide, Pigeon ramier, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Corneille noire, Choucas des tours, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Roitelet huppé, Étourneau sansonnet, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Pinson des arbres

 

Mammifères :

 

Cerf élaphe

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