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25 novembre 2018

Etang, forêt et vaste plaine… 

Les étangs…

 

Pluie : nom féminin. Cinq lettres mais des millions de gouttes. La météo est ce matin saturée d’humidité. Mais en contrepartie, le brouillard de la nuit a disparu. Lorsqu’on est dans la nature une paire de jumelles autour du cou, l’ondée est préférable aux nuages si bas qu’ils touchent terre. Pour ce qui est de l’ondée, celle-ci a un caractère durable, vertical et pénétrant. Nous sommes bien équipés – à l’exception d’une paire de chaussures un peu trop perméables. Et motivés.

 

La digue sur laquelle débute la sortie est enfermée entre deux haies d’aubépines. Deux trouées ouvrent sur deux étangs. Couverts d’une importante roselière, ils accueillent de nombreuses espèces d’oiseaux aquatiques. Notamment en cette période de fin de migration d’automne et de début d’hivernage comme aujourd’hui.

 

La surface de l’eau est criblée d’une infinité de petits cercles. La pluie bruisse d’une rumeur sourde. Des gouttes perlent au bout de chaque branche, chaque tige, chaque feuille. Et tombent lourdement sur le sol détrempé. Une ambiance non dénuée d’un certain charme.

 

Dans le chenal de l’étang, devant nous, un Héron cendré et une Grande Aigrette pêchent. Immobiles. Le regard scrutant le miroir – trouble ce matin. Des statues semblant directement sorties du Grévin.

 

Au fond, des bandes de canards nagent. Qui à gauche, qui à droite. Des Canards colverts et des Canards chipeaux pour la majorité. Du moins à première vue. Nous détaillerons plus tard lorsque nous aurons jeté un premier coup d’œil circulaire. Achevé de prendre la température…

 

Toutefois, deux petits canards retiennent immédiatement notre attention. Taille bien inférieure à celle des colverts proches. Sommet du crâne aplati donnant à la tête une forme vaguement rectangulaire. Et surtout la joue blanche contrastant avec la nuque et la calotte brune. Passé les trois ou quatre secondes d’incrédulité, nous identifions deux femelles de Harles piettes. Espèce très rare sur les étangs de Saint-Hubert et qui n’a plus été observée depuis douze ans sur le site. Quelques minutes plus tard, nous avons la chance de les observer au vol. Plumage très gris. Sombre. Avec la joue qui contraste fortement et une plage blanche ovale sur l’aile. Les deux oiseaux, après un tour d’étang, se posent en rive nord et disparaissent derrière une bande de roseaux. Nous ne les reverrons plus de la matinée.

 

L’autre rareté est également un canard. De grande taille cette fois. Plumage très sombre sans être tout à fait noir. Le dessin de la tête est caractéristique : brun sombre décoré de deux taches blanches. L’une large, très pâle, diffuse à la base du bec. L’autre petite, plus blanche et mieux délimitée en arrière de l’œil. Une femelle de Macreuse brune. Plus observée sur le site depuis dix ans. La macreuse est une excellente plongeuse. Elle entrouvre ses ailes au moment de son immersion et les utilise pour se propulser sous l’eau. Elle peut ainsi descendre à plus de dix mètres de profondeurs et parcourir de grandes distances sous la surface. Lorsqu’elle plonge, la macreuse nous montre son large placard blanc sur l’arrière de ses ailes (rémiges secondaires et tertiaires). Cette barre blanche est typique de l’espèce. A son retour à l’air libre, la macreuse tient une proie de belle taille dans son bec : une écrevisse. Qu’elle peinera quelque peu à avaler – tout rond.

 

Au fond, une petite bande de cinq Canards siffleurs stationne le long d’une rive. Le mâle est bien identifiable à son corps gris et noir et surtout à sa tête très colorée, acajou avec le front d’or. Les quatre autres individus sont des femelles, plus sombres.

 

Parmi les stars du jour figurent aussi les Martins-pêcheurs. Au moins trois oiseaux différents. Probablement quatre. Nous offrant un réel festival durant toute la matinée. Leur cri aigu raisonnant très régulièrement. Tout autour de nous. Des oiseaux, véritables flèches bleu-électrique, passent au ras de l’eau à de nombreuses reprises. L’un d’eux nous fait même l’immense plaisir de se poser sur un piquet – bien en vue. Le ventre orangé tourné vers nous. L’oiseau est un mâle – mandibule inférieure entièrement noire.

 

La forêt…

 

En sous-bois, la pluie semble redoubler. Ce sont les arbres détrempés qui s’égouttent. De belles couleurs perdurent encore. Des chênes sessiles roussis. Et quelques hêtres encore vivement éclairés de teintes chaudes et saturées de jaunes et de roux. Dans la forêt ternie par l’hiver naissant et la forte humidité, ces arbres sortent de l’ensemble. Comme des toiles de maître accrochées seules sur un mur blanc et dont les couleurs ont été artistiquement mises en valeur par un éclairage optimal. On ne se lasse pas de les admirer. Ni de les photographier.

 

Des rondes de mésanges naviguent dans les houppiers. A dix ou quinze mètres de hauteurs, les oiseaux virevoltent de branche en branche, se suspendent à des grappes de fruits dans un bouquet de bouleaux. Piaillent sans cesse. Des Mésanges bleues et des Mésanges à longue queue pour la plupart. Agrémentées de quelques Mésanges nonnettes, d’une Mésange huppée et de quelques Mésanges charbonnières. A la mauvaise saison, il n’est pas rare d’observer des bandes mixtes réunissant plusieurs espèces.

 

Lorsqu’éclate une série de strophes véhémentes. Au son puissant, trouant la sérénité de la forêt. Un son assez humide – caractère indépendant de la météo du moment. Un Pic mar vient de se manifester. Son cri tombant d’un arbre proche de nous. Levant la tête, jumelles rivés aux yeux, nous longeons du regard les troncs et branches principales. Pour découvrir l’oiseau dans un bouleau étêté. Calotte bien rouge, front blanc, trait jugulaire noir incomplet sont les meilleurs critères pour le distinguer du Pic épeiche, plus commun. L’oiseau grimpe le long du tronc, disparaît de temps à autre derrière et finit par reparaître au sommet, à l’endroit où l’arbre s’est brisé. Alors que nous admirons l’oiseau au plumage bigarré de noir et de blanc, un second cri retentit dans l’arbre d’à côté. Un second Pic mar dont nous n’avions pas suspecté la présence s’envole et s’éloigne pour disparaître une centaine de mètres plus loin. « Notre » pic n’a pas bougé et poursuit l’inspection de l’écorce. Puis il s’envole à son tour deux ou trois minutes plus tard. Une belle observation à une distance très raisonnable. Dommage que l’oiseau soit resté au milieu d’un fatras de branches et que la lumière – faible – n’ait pas permis de le photographier.

 

La plaine…

 

A la fin de la sortie, il est décidé de la prolonger. Et de nous rendre sur un second site durant l’après-midi. A une cinquantaine de kilomètres, aux portes du Perche, en Eure-et-Loir.

 

Depuis une dizaine de jours maintenant, un oiseau d’une extrême rareté en France stationne dans un champ agricole au sud de Châteauneuf-en-Thymeray. C’est – sauf erreur – la neuvième observation nationale recensée depuis le début du XXème siècle. La fréquence des observations allant en diminuant malgré une pression d’observation toujours plus grande. Le Courvite isabelle est pour tout ornithologue passionné un oiseau mythique. Nichant dans les déserts du nord du Sahara et passant l’hiver dans les déserts au sud de la zone sahélienne. Une espèce peut susceptible de se rencontrer si loin dans un septentrion auquel il n’est en rien adapté.

 

Il s’agit d’un jeune oiseau. Inexpérimenté. Qui a commis l’erreur de partir en direction du nord alors que ses congénères optaient pour le sud. Un oiseau égaré. Probablement incapable de retrouver son Afrique natale et souffrant du climat local.

 

Arrivés sur place – et toujours sous cette pluie tombant avec la régularité d’un métronome – nous commençons à fouiller les deux parcelles que l’oiseau n’a pas quittées depuis son arrivée. La recherche est difficile. La pluie et le vent gêne quelque peu l’observation. Rapidement, le froid s’invite, perçant nos couches de vêtements humides de la balade du matin. Les doigts gours peinent à tourner la molette des jumelles. Au bout d’une heure environ, le Courvite isabelle est repéré tout près de nous. Très mimétique, sa couleur sable le rend presque invisible sur la terre de la parcelle. L’oiseau est très sale. L’eau a détrempé ses plumes. Pénétré l’ensemble du plumage qui n’a rien de l’imperméabilité dont jouissent les espèces nordiques. Les Vanneaux huppés et les Pluviers dorés qui subissent les mêmes conditions météorologiques que lui conservent un plumage bien en ordre, bien huilé. Chaque plume couvrant parfaitement celle du dessous. L’eau ruisselle dessus sans parvenir à s’infiltrer. Les oiseaux restent secs en profondeur. Conservent leur chaleur.

 

Mais notre Courvite isabelle a malheureusement triste mine. Nous qui ne connaissions l’espèce qu’à travers la littérature, découvrons un oiseau ressemblant peu aux photos que nous avons admirées rêveusement. La poitrine est ébouriffée. Les plumes, collées de pluie, laissent apparaitre un duvet noirci. . La tête au niveau du bec est souillée de boue. Mais l’oiseau ne semble pas souffrir du froid – après tout, les nuits de gel ne sont pas si rares dans le désert. Il se déplace constamment, courant au-dessus des mottes de terre et justifiant ainsi son nom. Trouvant des proies – nous l’avons vu manger un lombric – l’oiseau semble se nourrir correctement. Ce qui lui permettra peut-être de prolonger un peu sa précaire survie si loin de la chaleur des tropiques.

 

D’autres ornithologues sont là également. Les lunettes d’observations ne servent à rien vu la distance – dix mètres environ – à laquelle s’approche fréquemment cet oiseau peu farouche et apparemment curieux.

 

Complètement transis, nous choisissons au bout de trois heures d’observation de laisser le courvite à sa plaine battue par un noroît glacial. Heureux d’avoir croisé la route d’une espèce si exceptionnelle. Un peu déçu de l’avoir observé dans de si mauvaises conditions. Et très inquiet quant à sa survie immédiate.

 

Une sortie dantesque avec une liste riche en oiseaux rares. Avec de belles observations. Avec un groupe très agréable et très motivé qui a été largement récompensé d’avoir bravé un temps propice au farniente au fond du canapé. Merci à tous.

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Grande Aigrette, Cygne tuberculé, Canard colvert, Sarcelle d'hiver, Canard pilet, Canard siffleur, Canard chipeau, Canard souchet, Fuligule milouin, Macreuse brune, Harle piette, Busard Saint-Martin, Râle d'eau, Foulque macroule, Vanneau huppé, Pluvier doré, Chevalier culblanc, Courvite isabelle, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Martin-pêcheur d'Europe, Pic mar, Pic épeiche, Alouette des champs, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange bleue, Mésange charbonnière, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Bouscarle de Cetti, Pouillot véloce, Pipit farlouse, Pipit spioncelle, Bergeronnette grise, Bergeronnette des ruisseaux, Moineau domestique, Tarin des aulnes, Pinson des arbres, Bruant jaune, Bruant des roseaux

 

Mammifères :

Lièvre européen

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