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24 novembre 2018

L'hiver est lancé... 

La réserve…

 

La Seine. Tel un serpent d’eau, le fleuve ondule jusqu’à la mer. Rouen, en aval, n’est qu’à une vingtaine de kilomètres. A l’extérieur de la boucle, les flots pourtant paisibles creusent, rongent, érodent. La pente – forte – se hérisse de pics calcaires dont la blancheur tranche avec la sombre végétation hivernale. A l’intérieur, là où le courant est le plus faible, une plaine alluviale sédimente. De sable, de galets. Sur laquelle s’installe une végétation riveraine.

 

C’est là que le groupe s’est donné rendez-vous en ce samedi matin. Le ciel est haut. Les nuages abondants aux multiples nuances de gris. L’air, plus sec qu’au cours des derniers jours, nous laisse espérer une journée sans pluie. Croisons les doigts, SVP !

 

Au premier observatoire, l’angle de vue est passable étriqué. Entre deux rives boisées, un morceau du plan d’eau s’étale devant nous. Un îlot dont les grands arbres sont couverts de nids de Grands Cormorans achève le décor. Quelques canards nagent devant l’observatoire. Quelques souchets dont les mâles sont reconnaissables à leur flanc brun serti de blanc. Des Sarcelles d’hiver moitié moins grosses. Des colverts – bien connus, mais réellement très beaux. Et des chipeaux : des canards grisâtres et fort ternes dans cette lumière nébuleuse. Mais qu’un rayon de soleil vienne illuminer leur plumage et le gris devient argent finement vermiculé de noir. Des oiseaux somptueux.

 

Dans les arbustes jouxtant notre tour de guet, trois Bouvreuils pivoines volettent de branche en branche. Accompagnés de leur petite note sifflée si caractéristique, le trio s’approche de nous à chaque nouveau déplacement. Une calotte noire de jais, brillante. Une poitrine et un ventre lie de vin – ce sont des femelles, les mâles arborent une couleur rouge écarlate. Les oiseaux cherchant leur nourriture quotidienne doublent notre retraite et poursuivent leur quête hors de vue.

 

Une très belle Bergeronnette des ruisseaux – dont les photos sont loin de satisfaire les espoirs placés en elles – pose sur une branche au ras de l’eau. L’oiseau au ventre citron hoche fréquemment sa longue queue. Nous nous rendons ensuite à l’autre bout de la réserve. En chemin, l’automne teinte encore quelques arbres. Les Erables champêtres sont encore jaunes. Les quelques hêtres illuminent d’autant plus les environs que les autres arbres autour se sont eux éteints. Les photos s’ajoutent aux photos. Une baie d’églantier perlée de la pluie de la nuit. Un bouquet de clématites noirci par les gelées de la semaine précédente. Des fruits de Fusain d’Europe – toxiques mais fort beaux.

 

Au sud de la réserve, un second observatoire s’ouvre sur l’étang. D’ici, l’observation est bien plus complète. Toute la surface de l’eau est visible de notre nouvelle position. Les groupes de canards réunissent plusieurs dizaines d’oiseaux. Beaucoup de Foulques macroules – ces rallidés rondouillards, noirs et au bec blanc dont on croise la route partout ou presque. Canards chipeaux et Sarcelles d’hiver nagent en ligne, les uns derrière les autres. Des Fuligules morillons – des canards plongeurs – alternent entre surface et profondeurs. Se nourrissants de crustacés, mollusques et plantes aquatiques, cette espèce s’enfonce de quelques mètres sous le miroir pour ressortir à l’air libre tel un bouchon remontant à la surface.

 

L’observation de la nature requiert de la patience. A force de fouiller inlassablement les bandes de canards, nous finissons par découvrir trois Canards pilets identifiables à leur silhouette élancée. Deux femelles et un tout jeune mâle dont la poitrine commence à peine à blanchir (le mâle adulte est un oiseau magnifique mêlé de blanc, de noir et de brun). Deux Grèbes à cou noir plongent eux aussi à la recherche de leur déjeuner. Deux petites boules de plumes imperméables noires et blanches. L’œil rouge vif est à peine visible en raison de la distance. Les deux compères sont difficiles à observer. Dès que la lunette est pointée sur eux, les deux affamés disparaissent sous l’eau pour une vingtaine de secondes. Mais tout le monde finit par les apercevoir.

 

La base de loisirs…

 

L’heure du repas approche également pour les humains. Le camp est levé pour nous rendre sur la base de loisirs, plus au nord. Un vaste lac – profond – occupe l’emplacement d’une ancienne gravière. Quelques îles ont été conservées et agrémentent un paysage dans le fond duquel trône le château des deux amants. Véritable nid d’aigle, il domine toute la région et semble veiller à la quiétude des lieux.

 

Les thermos sortent des sacs. La température n’a rien de glaciale, mais une soupe fumante réchauffe toutefois les corps et ragaillardit les naturalistes. De quoi envisager sereinement une belle après-midi lumineuse. La couche nuageuse se déchire en effet. Des pans de ciel bleu apparaissent. La lumière devient plus vive, plus chaude.

 

Non loin de nous, un très beau mâle de Garrot à œil d’or en profite pour esquisser une parade. Le cou tendu à la verticale, monsieur rejette brusquement sa tête en arrière, nuque posée sur le dos. En tout, ce sont au moins dix-sept oiseaux qui sont comptés sur l’ensemble du lac. Au moins neuf mâles et huit femelles.

 

Les grèbes piquent l’eau de taches pâles. Plus de 200 Grèbes huppés et une bonne trentaine de Grèbes castagneux – respectivement la plus grande et la plus petite des cinq espèces de grèbes européens. Alors que les canards occupent le centre de l’étang, les Hérons cendrés longent le bord, les yeux fixés sur l’eau. Avançant une patte après l’autre. Avec une lenteur étudiée. Une Aigrette garzette, plus petite, se montre plus vive. Moins nonchalante. Toute blanche, elle se déplace les pieds dans l’eau. Donnant un coup de bec à droite. Chopant une proie à gauche. Semblant picorer au hasard et au gré de sa marche à un mètre de la berge.

 

A l’autre bout de la base de loisirs, sur le flanc oriental, un très important groupe de Foulques macroules stationne. Environ quatre mille oiseaux sont là. Un chapelet occupant une large portion du lac. Plongeant un peu maladroitement. Entraînées par l’élan initial que prennent les oiseaux pour crever la surface. Mais au final desservis par une corpulence un peu boulotte qui ne les aide pas dans leurs aspirations subaquatiques. Parmi elles, des Canards chipeaux, des Canards siffleurs et des Fuligules morillons. Les siffleurs lâchent fréquemment leurs notes sifflées, explosives qui leur ont valu leur nom. Une espèce dont l’observation est toujours un moment de satisfaction. Le mâle, à la livrée grise en noire, arbore une tête très colorée : acajou avec le front et le sommet du crâne couverts d’or.

 

Le retour…

 

En milieu d’après-midi, le groupe change de crèmerie. Reprenant la route de l’Ile-de-France, il est prévu de nous arrêter au pied du très beau château de la Roche-Guyon dans le Val d’Oise. A quelques encablures de la Seine, il occupe le bas de la falaise crayeuse tandis qu’une tour médiévale se dresse au sommet.

 

La cour du château est jonchée d’exposants. La commune fête son marché de Noël. Décorations, poteries, miel, étoffes… Le chaland flâne, contemple, admire, achète ou passe son chemin.

 

Nous ne sommes pas là pour cela. Et bien que nous ayons nous aussi participé à l’économie locale, c’est un oiseau que nous sommes venu chercher. Depuis le 10 novembre au moins, un Tichodrome échelette se nourrit sur la façade principale du château. Petit passereau alpin, le tichodrome passe sa vie à flanc de falaise. Agrippé solidement à la paroi, il semble marcher sur la surface lisse et verticale. Multipliant les petits coups d’ailes, comme pris de convulsions, l’oiseau fouille chaque rainure, chaque petite anfractuosité à la recherche d’une araignée, d’un insecte. Son plumage gris et noir se colore de blanc et de rouge lorsque l’oiseau écarte ses ailes.

 

L’observation est courte car le soir tombe déjà. L’oiseau, au bout de quelques minutes, s’envole pour ne plus reparaître. De belles images à travers les jumelles. Quelques photos souvenirs dans la boite et il est temps d’achever la sortie en regagnant nos pénates respectives. Mais à l’instant où nous allions tourner les talons, un grand faucon sort d’au-dessus de la falaise, cercle dans le ciel et s’éloigne vers l’amont. L’ultime surprise, l’ultime espèce venant enrichir une liste déjà longue : un Faucon pèlerin à la tête sombre et moustachue baisse le rideau d’une journée réussie.

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Grèbe castagneux, Grèbe à cou noir, Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Aigrette garzette, Cygne tuberculé, Cygne noir, Bernache du Canada, Canard colvert, Sarcelle d'hiver, Canard pilet, Canard siffleur, Canard chipeau, Canard souchet, Fuligule milouin, Fuligule morillon, Garrot à oeil d'or, Buse variable, Faucon pèlerin, Faucon crécerelle, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Vanneau huppé, Goéland argenté, Goéland brun, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Pic vert, Pic épeiche, Pic épeichette, Alouette des champs, Corneille noire, Choucas des tours, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange à longue queue, Grimpereau des jardins, Tichodrome échelette, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Rougequeue noir, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Accenteur mouchet, Pipit farlouse, Bergeronnette grise, Bergeronnette des ruisseaux, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres, Pinson du Nord, Bruant des roseaux

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