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Janvier 2018

Pays-Bas

Il était une fois seize naturalistes en partance vers le nord. Autoroute A1. Direction Lille. Puis les deux frontières belges : la wallonne d’abord, la flamande ensuite. Et l’arrivée aux Pays-Bas en fin de matinée. Sous une pluie battante. Des litres au mètre carré. Des champs partiellement inondés le long de la route, de Roissy jusqu’aux polders hollandais. Partout cette même eau qui menace gravement notre séjour.

Dans notre voiture, consultation – inquiète – de la météo tous les quinze kilomètres. On scrute l’écran qui nous promet un temps sec, puis le ciel qui n’en finit pas de s’épancher. Si la météo de la veille est relativement fiable, celle du jour est aléatoire. Quant à celle du lendemain…

 

Arrivés à quelques encablures de Strijen, le premier site que nous nous proposons de visiter, le convoi se heurte à un puissant barrage. Autoroute coupé. Le pont sur le Rhin est en travaux. Pour un bon moment à en juger par la solidité de l’ouvrage. Pas moyen de contourner l’obstacle sans un détour d’une bonne centaine de bornes. On nous avait bien prévenus – des panneaux sur le bord de la route. Mais à cet instant, Yves ne savait pas encore qu’il parlait couramment le néerlandais…

 

Samedi 20 – changement de programme…

Le détour nous retarderait à l’excès. Le mot « changement » est lancé. Le temps de regrouper le groupe et nous voici en route vers la côte. Nous troquons le polder à Oies naines remis au lendemain pour le littoral et ses oiseaux de mer. La douceur de l’hiver n’a pas favorisé les grands rassemblements d’anatidés. La mer est vide ou presque : une centaine de Plongeons catmarins, quatre arctiques et trois imbrins, environ 300 Harles huppés, 200 Eiders à duvet. Seulement 80 Garrots. Des chiffres très décevants en regard des milliers d’oiseaux qui peuvent stationner ici. Comme l’hiver dernier, le grèbe le plus commun est l’esclavon, loin devant le huppé. Un jougris est découvert non loin du bord. Et preuve que l’hiver est doux, 4 Sternes caugeks pêchent le long de la côte. Très rare à cette saison.

 

Pas une seule harelde…

 

Le reste de l’après-midi est consacré à une petite réserve proche. Une route étroite entre un polder et les eaux intérieures du delta. Des centaines d’oies d’un côté se nourrissant sur les herbus. Des centaines de limicoles et de canards de surface de l’autre à fouiller les vasières pour les premiers, les eaux peu profondes pour les seconds.

Une Spatule blanche est là également, observée au milieu d’un petit groupe d’Oies rieuses. Des cris de Panures à moustaches en provenance d’une petite roselière. Et un beau vol de Bernaches cravants dans lequel une Bernache à ventre pâle (sous-espèce hrota) est aperçue. Un Tarier pâtre témoigne lui aussi de la douceur des semaines passées.

 

Et il me faut pour achever cette demi-journée de terrain reconnaître que la météo avait vu juste. Les précipitations se sont estompées et ont finalement cessées à notre arrivée en Zélande. Pas une goutte n’est venue perturber le début du séjour. Le groupe en a bien profité au cas où l’accalmie ne survive pas à la nuit.

A Bergen op Zoom, nous découvrons nos logements. Un bâtiment moderne, très agréable au cœur d’une zone boisée. Un intérieur au charme fou avec une prédilection évidente pour la nature et l’environnement. Des chambres spacieuses et confortables pour un prix très modique. Nous sommes enchantés.

Dimanche 21 – le grand chelem…

Strijen et ses polders, inaccessibles hier, sont finalement atteints avec une vingtaine d’heures de retard sur le planning. Mais ce matin le soleil brille. Un grand ciel bleu nous a même agréablement surpris au saut du lit.

Les Bernaches nonnettes sont là, bien plus abondantes que l’an dernier. Au moins quinze mille. Peut-être davantage. Des groupes se laissent approcher. Les observations, dans une belle lumière matinale, sont magnifiques. Les Oies rieuses et cendrées, dix fois moins nombreuses, se mêlent aux premières. Des vols zèbrent sans cesse le ciel. Les cris emplissent l’air. Partout. A chaque instant.

Quelques Oies naines sont rapidement découvertes, trahies par leur silhouette rondouillarde qui les rend si différentes des Oies rieuses. Petites, trapues, elles se nourrissent sur le polder, assez éloignées des routes et donc des oculaires de nos lunettes. L’observation est toutefois suffisante pour que le front blanc remontant sur le sommet du crâne soit bien observé. Ainsi que le cercle orbital jaune qui est lui aussi visible. Nous en comptons vingt-deux, ce qui est une excellente surprise.

Maintenant que nous avions le gâteau, nous pouvions nous attaquer à la cerise : dans un petit groupe de Bernaches nonnettes, pâturant non loin, une somptueuse Bernache à cou roux vient compléter la liste des oies observées en cette seconde journée. Déjà sept espèces (Bernache nonnette, Bernache à cou roux, Bernache du Canada, Oie cendrée, Oie rieuse, Ouette d’Egypte, Oie naine).

Notre groupe repart ensuite vers le sud. Sur les rives de l’Escaut, et signalée depuis quelques jours sur la toile européenne, une Oie des neiges suffisamment farouche pour être envisagée sauvage est observée à l’heure du déjeuner. Huitième espèce – nous commencions à espérer voir toutes les oies du paléarctique dans la même journée. Agrémentées de quelques exotiques.

Avec encore trois heures de jour, ce grand chelem est encore réalisable. Le site suivant se trouve à une bonne demi-heure de route. Le net y signale une troupe d’Oies des moissons avec parmi elles une Oie à bec court – très rare dans la région. En chemin, le long de digues, nous ajoutons la Bernache cravant, nouvelle petite pierre à l’édifice.

Fébrilement, le groupe d’Oies des moissons est fouillé (sous-espèce rossicus). Et refouillé. Et même fouillé encore et encore. Et si un Faucon pèlerin est découvert posé sur une motte du labour, l’Oie à bec court reste invisible. Tant pis. Nous nous contentons, heureux de cette journée dantesque, de neuf espèces d’oies.

Mais le sort nous réserve un dernier ingrédient. A la nuit tombante, s’envolant d’un polder pour se poser sur l’eau de l’Escaut oriental, quelques centaines de cravants recèlent un ultime trésor : une Bernache du Pacifique (la sous-espèce nigricans à ventre sombre). Très noire, avec le flanc très largement barré de blanc et d’une taille un peu supérieure à la sous-espèce nominale, l’oiseau fait le bonheur de notre groupe dans les dernières lumières d’une nouvelle journée sans pluie.

Lundi 22 – les rapaces…

 

Comme nous trouvons dommage de repartir en France sans avoir vu l’Harelde, le trait de côte eut le plaisir d’une seconde visite. Comme l’avant-veille, la douceur inhabituelle, la belle lumière et la mer d’huile donnent des observations de qualité. Un groupe d’Eiders à duvet et de Macreuses noires paradent non loin du bord. Un mâle de Harle huppé et un Guillemot de Troïl longent la digue à quelques mètres seulement.

 

Mais l’Harelde n’est découverte que très loin, au pied d’une bouée jaune, à peine visible. Un mâle adulte bien identifiable à sa tête pâle tâchée de sombre sur la joue et sur la nuque. Une Harelde que peu d’entre nous réussissent à voir. Une observation frustrante.

 

Mais le clou du séjour se profile bientôt à l’horizon. Attendant son heure. Le théâtre en est une immense zone de slikke bordant le Grevelingenmeer. Une zone en réserve et en cours d’aménagement. Un secteur que nous ne connaissons ni les uns ni les autres et qu’il nous tarde de prospecter.

 

Le soleil revenait petit à petit, chassant les nuages qui couvraient le ciel depuis le matin. La perspective de marcher dans une réserve ressemblant un peu à celle du Platier d’Oye – dans le Pas-de-Calais – nous attire depuis le samedi. Pour se dérouiller un peu les pattes. Et voir un peu de passereaux. Et pourquoi pas quelques rapaces.

 

La partie centrale de la réserve est couverte de buissons denses, pruneliers, argousiers, sureaux noirs. Des chemins serpentent pour conduire à un observatoire adossé à une mare intérieure. Cinq Spatules blanches y filtrent l’eau. Quelques centaines de Sarcelles d’hiver dorment autour d’un petit îlot.

 

Au sud, les chemins cessent, buttant sur une clôture barrant l’accès. Le slikke est interdit aux visiteurs. Et pour dissuader le touriste d’enfreindre la règle, quelques dizaines de taureaux paissent, éparpillés sur toute la zone.

 

Lunettes disposées en ligne, nous entamons une recherche méthodique de tout ce qui porte des plumes. Qui à gauche, qui à droite lorsqu’un nom fuse – clair, captant immédiatement l’attention de tous : Pygargue !

Un immature de troisième année civile est posé à terre un peu plus loin. Bien visible. Immense. Impressionnant ! Se laisse admirer quelques minutes sans bouger. Puis s’envole. Puissant. Semant la panique parmi les canards et les oies. Seuls les cygnes (Bewicks et tuberculés) ne daignent pas lever la tête. Pour le reste, tout ce qui peut fuir s’éloigne à tire d’aile. Le plus rapidement et le plus loin possible. Après une courte attaque, le Pygargue se pose à nouveau. Loin de nous cette fois. A peine visible. Quand tout à coup, un téméraire pique droit sur lui. A toute vitesse. Un Faucon pèlerin, nerveux, lance successivement plusieurs assauts contre ce colosse pesant cinq fois son poids. Le pygargue ne semble nullement impressionné. Tout juste agacé, se contentant d’ouvrir les ailes, les étirant à la verticale afin de tenir l’importun à distance. De guerre lasse, le pèlerin jette l’éponge et s’éloigne.

Quel final ! Un séjour qui s’achève en beauté par une scène qui restera dans les esprits.

Mais la messe n’est pas encore totalement dite. Il reste une dernière espèce. Comptant les chevreuils qui paissent sur le slikke, un autre rapace est repéré. Posé à terre lui aussi. Eloignée mais bien visible, une Buse pattue nous fait face. Ventre très sombre, masque facial contrasté. Nous ne la verrons malheureusement pas au vol.

Liste des espèces contactées :

Accenteur mouchet, Aigrette garzette, Alouette des champs, Avocette élégante, Barge rousse, Bécasseau maubèche, Bécasseau sanderling, Bécasseau variable, Bécasseau violet, Bergeronnette grise, Bernache à cou roux, Bernache cravant, Bernache à ventre pâle (hrota), Bernache du Pacifique (nigricans), Bernache du Canada, Bernache nonnette, Bouscarle de Cetti, Busard des roseaux, Busard Saint-Martin, Buse pattue, Buse variable, Canard chipeau, Canard colvert, Canard pilet, Canard siffleur, Canard souchet, Chardonneret élégant, Chevalier culblanc, Chevalier gambette, Chevalier guignette, Choucas des tours, Corbeau freux, Cormoran huppé, Corneille noire, Courlis cendré, Cygne de Bewick, Cygne indéterminé, Cygne tuberculé, Eider à duvet, Epervier d'Europe, Etourneau sansonnet, Faisan de Colchide, Faucon crécerelle, Faucon pèlerin (calidus), Foulque macroule, Fuligule milouin, Fuligule morillon, Gallinule poule-d'eau, Garrot à œil d'or, Geai des chênes, Goéland argenté, Goéland brun, Goéland cendré, Goéland marin, Grand Cormoran, Grande Aigrette, Grèbe castagneux, Grèbe esclavon, Grèbe huppé, Grèbe jougris, Grimpereau des jardins, Grive litorne, Grive musicienne, Grosbec casse-noyaux, Guillemot de Troïl, Harelde boréale, Harle huppé, Héron cendré, Héron gardeboeufs, Huîtrier pie, Linotte mélodieuse, Macreuse noire, Merle noir, Mésange à longue queue, Mésange bleue, Mésange charbonnière, Mésange huppée, Moineau domestique, Mouette rieuse, Mouette tridactyle, Oie cendrée, Oie des moissons (rossicus), Oie des neiges, Oie naine, Oie rieuse, Ouette d'Egypte, Panure à moustaches, Pic épeiche, Pic vert, Pie bavarde, Pigeon colombin, Pigeon ramier, Pinson des arbres, Pinson du Nord, Pipit farlouse, Pipit maritime, Pipit spioncelle, Plongeon arctique, Plongeon catmarin, Plongeon imbrin, Pluvier argenté, Pluvier doré, Pygargue à queue blanche, Râle d'eau, Roitelet huppé, Rougegorge familier, Sarcelle d'hiver, Sittelle torchepot, Spatule blanche, Sterne caugek, Tadorne de Belon, Tarier pâtre, Tarin des aulnes, Tournepierre à collier, Tourterelle turque, Troglodyte mignon, Vanneau huppé, Verdier d'Europe.

 

Chevreuil européen, Hérisson européen, Lièvre d'Europe, Phoque gris, Phoque veau-marin, Ragondin.

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