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Mai 2017
Lozère
Une idée germe et se transforme en voyage.
Le Sabot de Vénus est une orchidée magnifique qui m’a toujours émerveillé. Rare à très rare en France selon les régions, elle est présente très localement en Lozère sur les versants frais des gorges abruptes. En fleur à la fin mai et au début de juin, la fenêtre de tir pour venir la voir est assez restreinte : une dizaine de jours environ. Faut pas se louper.
Je n’ai eu que deux ou trois occasions de descendre en Lozère à cette époque de l’année. Et les « tuyaux » plutôt imprécis que j’avais eus ne m’avaient pas permis de la trouver. Bien décidé à tenter ma chance en 2017, je planifiais un nouveau voyage, profitant de l’occasion pour emmener avec moi quelques personnes tentées par l'aventure.
Mercredi 24
Nous étions ainsi neuf à nous retrouver à Saint-Arnoult-en-Yvelines (le village, pas le péage). Après six heures de route via Orléans, Clermont-Ferrand et La Canourgue, nous arrivons en milieu d’après-midi au Point Sublime sur la commune de Saint-Georges-de-Lévéjac : surplombant les majestueuses gorges du Tarn, ce site touristique est l’un des plus beaux panoramas de la région. Quelques visiteurs comme nous impressionnés par la splendeur des lieux déambulent le long des falaises qu’aucun garde-fou n’enlaidit.
A peine descendus de voiture, un Vautour fauve passe au-dessus de nos têtes franciliennes, blafardes du manque de soleil, pour plonger aussitôt dans l’abîme où il niche. Première coche pour certain(e)s. D’autres vautours cerclent puissamment croisant la route de Martinets à ventre blancs paraissant bien insignifiants à côté de ces géants. Les Craves à bec rouge crient sans cesse. Tandis que certains d'entre nous cherchent à voir la Fauvette passerinette – presque aussi difficile à voir qu’une Bouscarle dans un buisson –, d’autres fouillent les roches nues à la recherche du Monticole bleu : un beau mâle est découvert sur le sommet d’une cheminée calcaire. Recoche.
Puis il est temps de s’arracher à ce spectacle grandiose pour rejoindre l’auberge, perchée sur le causse : routes en lacets pour descendre au fond de la gorge, petit pont de pierre pour traverser le Tarn et d’autres routes en lacet pour remonter de l’autre côté. Le trajet est magnifique. Nous dominons maintenant la rivière depuis sa rive gauche. Parmi les espèces les plus communes sur cette partie boisée de pins, figurent le Pouillot de Bonelli et la Mésange noire. Alors que nous roulons vitres ouvertes tant en raison de la chaleur que pour entendre notre premier Bruant ortolan, un grand rapace descend vers nous en direction de la gorge : un Aigle royal adulte passe au-dessus de nos têtes (franciliennes, blafardes et) émerveillées.
L’auberge est une grande bâtisse en pierre de causse. Aux murs épais. Au plafond bas (attention la tête). A l’image de sa demeure, le tôlier est un homme abrupt, âpre. Taillé à la serpe dans un bloc de granit. Haut et large, la moustache blanche et abondante. Le crâne dégarni. De sa voix grave il ordonne plus qu’il suggère, gronde plus qu’il ne parle. La première impression est saisissante.
Jeudi 25
Alors qu’une partie de la population célèbre l’élévation de Jésus au Ciel, nous décidâmes de nous la jouer rebelle en restant peu ou prou sur la même courbe de niveau. Nous longeons les corniches de la Jonte et celles du Tarn dans une balade au cœur d’un paysage grandiose. Les Vautours fauves nous survolent à chaque instant, tout comme quatre Vautours moines et un Percnoptère. Les Hirondelles de rochers, Martinets noirs et à ventre blanc longent les falaises en criant. A notre passage, les Faucons pèlerins alarment : nous découvrons rapidement un jeune à peine volant attendant d’être nourri par ses parents.
Mais tout cela se mérite : le chemin n’est pas toujours simple, les à-pics parfois vertigineux et la chaleur émise tant par le soleil que par la roche nous fait éliminer.
Vendredi 26
Nous troquons le causse boisé pour le causse nu. Une zone steppique qui a fait la renommée du Méjean. Entre pierrés, ravines rocailleuses et pelouses sèches, la faune et la flore tranchent avec celles de l’Ile-de-France : le Bruant ortolan chante de concert avec le Pipit rousseline. La Fauvette passerinette côtoie la Fauvette orphée et alors que nous nous postons devant un buisson bien décidé à enfin voir la première, c’est une Fauvette à lunettes – inattendue – qui est sortie à découvert bien loin de sa sansouire littorale. A bien contrôler les rectrices blanches terminées de noires des Traquets motteux, nous finissons par trouver un Traquet oreillard farouche qui nous laisse un peu sur notre faim.
Mais l’une des plus belles observations de cette troisième journée est venue encore une fois d’un rapace : cerclant en compagnie de quatre Vautours fauves et d’apparente petite taille, un jeune Aigle royal particulièrement coopératif nous survole à faible distance durant de longues minutes.
Moment magique.
A Hures, au bord de la lavogne – trou d’eau artificiel visant à abreuver les ovins – papillons et libellules profitent des heures chaudes pour étirer leurs ailes : Libellule à quatre taches, Cordulie bronzée, Anax empereur, Agrion jouvencelle, Gazé, Machaon, Argus bleu céleste, Azuré frêle, du thym, des cytises, Mélitée des centaurées… La liste s’allonge rapidement.
Samedi 27
Changeant nos plans qui étaient de longer le Tarn à la recherche du Cincle, nous décidons de retourner sur le causse nu afin de revoir l’oreillard. Sur place, comme il est fréquent de ne pas trouver ce qu’on est venu chercher, c’est un autre oiseau qui vient voler la vedette à l’hispanica pointé aux abonnés absents. Alors que le groupe observe un couple de Monticoles de roche au pied d’une petite falaise, un grand rapace déboule devant nous passant à quelques mètres à peine pour s’enfuir et se poser sur un piquet de clôture un peu plus loin. Nous venions de déranger sans avoir idée de sa présence en ce lieu un Grand-Duc, au nid ou au gîte pour la journée. Rien de visible dans la cavité délaissée : nous battons néanmoins en retraite afin de rendre les lieux à leur tranquillité habituelle.
Mais si l’ornitho remplit les carnets de notes, elle creuse aussi les estomacs. Afin d’être sur le terrain au point du jour, nous nous étions levés de fort bonne heure, renonçant à l’appel délicieux du croissant au beurre. Il est temps de penser à nos boyaux qui réclament liquide et solide. Le convoi se remet en route pour descendre à Sainte-Enimie. Petite bourgade au charme fou, classée parmi les plus beaux villages de France et de Navarre mais envahi en ce long week-end à la météo estivale. Le Cincle ardemment espéré est resté à l’abri des hordes humaines tandis que nous nous installons en terrasse à déguster qui un café, qui une glace, qui une gaufre. Après l’effort, le réconfort.
Et les Sabots de Vénus direz-vous ? Beaucoup d’oiseaux, de plantes et d’insectes, mais quid de l’orchidée qui est à l’origine de ce séjour ?
Je vois que vous suivez.
Elle ne fut pas aisée à trouver. Après une première tentative infructueuse jeudi, nous sommes retournés en ce samedi, gonflés à bloc par des informations bien plus précises que celles dont nous disposions jusqu’alors. Mais c’est grâce à André, un botaniste à la retraite aussi alerte que sympathique croisé par le plus grand des hasards le long d’une corniche abondamment sillonnée de dizaines d’Ascalaphes soufrés que nous avons pu boucler in extremis ce voyage dantesque. Environ 150 pieds de cette orchidée extravagante fleurissent un versant nord sur lequel nous ne nous étions pas aventurés.
Il ne nous reste que le temps de boucler les valises et de compléter un log bien rempli.
Liste des espèces observées
Oiseaux
Bondrée apivore, Milan royal, Milan noir, Épervier d'Europe, Buse variable, Aigle royal, Vautour moine, Vautour fauve, Vautour percnoptère, Busard cendré, Circaète Jean-le-Blanc, Faucon pèlerin, Faucon crécerelle, Perdrix rouge, Caille des blés, Faisan de Colchide, Oedicnème criard, Pigeon colombin, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Coucou gris, Petit-duc scops, Grand-duc d'Europe, Chouette hulotte, Engoulevent d'Europe, Martinet à ventre blanc, Martinet noir, Huppe fasciée, Pic vert, Pic noir, Pic épeiche, Alouette lulu, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Hirondelle de rochers, Hirondelle de fenêtre, Loriot d'Europe, Grand Corbeau, Corneille noire, Choucas des tours, Pie bavarde, Geai des chênes, Crave à bec rouge, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange noire, Mésange huppée, Mésange à longue queue, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Rossignol philomèle, Rougequeue noir, Tarier pâtre, Traquet motteux, Traquet oreillard, Monticole de roche, Monticole bleu, Merle noir, Grive musicienne, Grive draine, Rousserolle effarvatte, Hypolaïs polyglotte, Fauvette à tête noire, Fauvette orphée, Fauvette grisette, Fauvette passerinette, Fauvette à lunettes, Pouillot véloce, Pouillot de Bonelli, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Pipit rousseline, Pipit des arbres, Bergeronnette grise, Bergeronnette des ruisseaux, Pie-grièche méridionale, Pie-grièche écorcheur, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Moineau soulcie, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Serin cini, Bec-croisé des sapins, Pinson des arbres, Bruant proyer, Bruant jaune, Bruant zizi, Bruant ortolan
Odonates
Brunette hivernale, Agrion jouvencelle, Nymphe au corps de feu, Anax empereur, Cordulie bronzée, Libellule à quatre taches
Papillons de jour
Hespérie de la Sanguisorbe (Roussâtre), Hespérie du Carthame, Hespérie de la Houque, Flambé, Machaon, Piéride du Chou, Gazé, Aurore, Fluoré, Citron, Azuré frêle, Azuré des Cytises, Azuré d'Escher (du Plantain), Azuré commun (Argus bleu), Azuré du Thym, Argus bleu céleste (Bel-Argus), Collier de corail, Tircis, Mégère (Satyre), Némusien (Ariane), Fadet commun (Procris), Sylvain azuré, Vulcain, Mélitée orangée, Mélitée du Plantain, Mélitée des centaurées (Grand Damier), Mélitée des Scabieuses
Papillons de nuit
Bombyx du Trèfle (Lasiocampa trifolii), Sphinx gazé (Hemaris fuciformis), Moro-sphinx (Macroglossum stellatarum), Processionnaire du Pin (Thaumetopoea pityocampa), Phalène printanière (Hemistola chrysoprasaria), Doublure jaune (Euclidia glyphica), Zygène de la Filipendule (Zygaena filipendulae)
Névroptères
Ascalaphe soufré (Libelloides coccajus)
Mammifères
Chevreuil européen, Sanglier, Renard roux, Lièvre d'Europe, Lapin de garenne, Ecureuil roux
Reptiles
Lézard vert occidental, Lézard des murailles
Amphibiens
Salamandre tachetée
Orchidées
Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus), Platanthère verdâtre (Platanthera chlorantha), Orchis moucheron (Gymnadenia conopsea), Orchis de Fuchs (Dactylorhiza fuchsii), Orchis bouffon (Orchis morio), Orchis mâle (Orchis mascula), Orchis brûlé (Orchis ustulata), Orchis militaire (Orchis militaris), Orchis singe (Orchis simia), Orchis pourpre (Orchis purpurea), Homme-pendu (Aceras anthropophorum), Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis), Orchis bouc (Himantoglossum hircinum), Ophrys d'Aymonin (Ophrys aymoninii), Céphalanthère à grandes fleurs (Cephalanthera damasonium), Céphalanthère à longues feuilles (Cephalanthera longifolia), Néottie nid d'oiseau (Neottia nidus-avis), Listère ovale (Listera ovata)